20/11/2010

Paris, ville de lumière.

















La municipalité aura décidé de consacrer le budget d’une année entière à l’installation du double de lampadaires dans les rues pour lutter contre l’obscurité de la nuit où chacun peut se fondre.
Il n’y aura plus de nuit, on y verra comme en plein jour et le ciel disparaîtra derrière les éclairages trop nombreux. La mairie, sans le sou, laissera à l’abandon les petits parcs. Envahis par la végétation, ils deviendront des petits îlots de brousse, verts et touffus, dispersés dans la ville. On pourra s’y cacher la nuit quand il n’y aura plus nul part où disparaitre et les toboggans serviront de structures à des cabanes souterraines.

21/08/2010

Lehavim



Lehavim

Banlieue jaune sous l'ombre déchirée des palmiers secs, 45°c dehors, l'air chaud enserre les membres, mouille la frange de sueur, paralysent les mouvements.
Le paysage autour s'amenuise. Des arbres asphyxiés entourent maladroitement une aire de pique-nique plus abandonnée qu'une ville morte. Les arbres disparaissent au bord de l'autoroute qui s'en va plonger dans le désert où seuls les lampadaires résistent.
Le silence est aussi assourdissant qu'un vacarme. Impossible de savoir si les habitants sont reclus dans leur salon climatisé ou ont simplement déserté le lotissement momifié.
Même les chiens n'aboient plus quand je passe.
Les degrés nous retranchent derrière les volets clos, on économise le moindre geste jusqu'au soir, jusqu'à ce qu'un semblant d'air vienne lentement nous ressusciter.

16/06/2010

Tel Aviv 5

Je suis passée de l'avenue de Clichy à Paris, à une petite rue calme de Tel Aviv,
troquant un bruit de circulation continue pour un petit croisement dangereux
(pas de priorité à droite, alors tout le monde fonce )
d'où j'entends toute la journée des voitures freiner d'un coup sec, se faire une frayeur,
éviter le pire, enfin pas toujours : deux accidents déjà ;
et après un énième crissement de pneu aujourd'hui,
je me demande à quel point cette possibilité d'accident envahit ma journée,
mon écriture ; quelle est l'influence inconsciente de cette appréhension permanente de la vitesse
que j'entends s'approcher comme on sent le coup venir.

15/06/2010

Tel Aviv 4

Je lisais sur la plage quand j'ai remarqué un avion qui dessinait
un cercle dans le ciel, au dessus de l'eau.
J'ai suivi sa courbe blanche sans détourner les yeux un instant,
suspendu au dénouement à venir de ce parcours curieux.
Ici, ce qui est étrange ou sort un peu de l'ordinaire devient vite
inquiétant, chaque signe inconnu ne pouvant être autre chose
qu'une mauvaise prédiction.
Finalement, l'avion a tracé de son sillage
le dessin précis d'un e minuscule,
puis a disparu d'un coup à la fin de la boucle,
laissant le mystère entier à remplir de suppositions.

07/06/2010

Topographie des rues de Tel Aviv via le hasard des rencontres


j'ai croisé Adi rue Melchet
j'ai croisé Iva rue Yona Anavi
j'ai croisé Yotam rue Lincoln
j'ai croisé Roy square Masarik
j'ai croisé Eric rue Dizingoff
j'ai croisé Dror au café Hanassir hakatan
j'ai croisé Eran rue Rashi
j'ai croisé Mari rue HaHashmona'im
j'ai croisé Olga sur la Promenade Shlomo Lahat
j'ai croisé Sarah rue Ben Ami
j'ai croisé Yael impasse Simta Plonit
j'ai croisé Guillaume rue Allenby
j'ai croisé Honi rue Rambam
j'ai croisé Shasa au Moa
j'ai croisé Dave rue King George
j'ai croisé Björn et Tarik rue Nahmani
j'ai croisé Raz à l'université Ben Gourion
j'ai croisé une inconnue qui m'a reconnue dans Florentine
j'ai croisé Lirhone rue Shenkin
j'ai croisé Noah rue Ge'ula
j'ai croisé Matthias rue Hakirshon
j'ai marché avec des gens qui en croisait d'autres,
j'ai croisé des étrangers devenus familiers à force de se croiser.

05/06/2010

Boire au bord de.

C’est le milieu de la nuit dans la vieille ville de Jaffa,
la partie arabe de Tel Aviv.
A l’intérieur du club, le DJ rythme la nuit.
Sur la terrasse, nous trinquons avec une centaine d’autres,
nous grignotons des crevettes en brochettes
en dégustant la vue nocturne sur le littoral.

Entre deux gorgées de cava, je lui demande
pourquoi sa copine n’est pas là.
Il me dit que c’est fini.
Après trois ans à résister contre la famille, ca y est c’est fini.
Elle est juive. Il est arabe, palestinien, chrétien.
Il me dit j’aurais pu être chrétien américain, français, de n’importe où,
tout aurait été différent,
ce n’est même pas une histoire de religion,
simplement je suis palestinien, je suis l’ennemi.

Ironie du sort il habite maintenant dans un ‘ settlement juif ‘
avec sa mère à Jérusalem :
une occasion, c'était pas cher, on n'avait pas vraiment le choix.
Ils ne mettent pas leur nom sur la boite aux lettres.
Ils vivent là, à deux minutes de leur ancienne maison,
invisible maintenant derrière le mur.
Il m’a montré, quand nous allés ensemble à Ramallah :
là, il y avait un carrefour, et ma maison était au coin.
Il fallait qu’on sorte de là, c’était un bocal, on ne pouvait pas rester.

Il est presque résigné. Il me dit j’essaye de rencontrer d’autres filles,
mais qu’elle est la chance ?
Mon hébreu est parfait, personne ne peut savoir
que je ne suis pas israélien
mais cela ne change pas mon nom.
Dès qu’elle entendront, elles sauront que c’est impossible.
Et en Israël, il y a 1, 6 % d’arabes chrétiens.
Combien sur ce nombre sont des filles de mon âge
que je suis susceptible de rencontrer et d’aimer ?
Je n’ai malheureusement pas grand chose à répondre à ça.
Un autre ami nous rejoint, la conversation s’arrête :
ce scénario était le sien trois ans plus tôt, ça l’a rendu amère.
Il ne vaut mieux pas raviver les cendres.
Nous écrasons les cigarettes et vidons nos verres
pour rejoindre la piste de danse.

Au delà de Gaza et des flottilles aux récits noyés
dans des interprétations aussi nombreuses que diverses,
il y a d’autres vies tuées dans l’oeuf
dont les témoignages ne font pas les gros titres.

01/06/2010

Tout près, l'ailleurs.

Wadi Musa, Jordanie.

Théâtre de Pétra, Jordanie, construit au 1er siècle

Entre les deux, le mur.
Frontière Israël /Liban : Rosh hanikra

Ramallah, Palestine

Ramallah, Palestine

Ramallah, Palestine

Lever de soleil sur les montagnes de Jordanie, depuis Massada, Israël.
Entre les deux, la Mer Morte.

17/04/2010

en avançant.


Boulevard Ben Tsiyon,
je croise une femme qui tient dans sa main gauche
un bouquet de tulipes rouges et blanches qui pointent vers le sol.
Sur Dizingoff, un gros chien noir allongé sur le dos
dort en travers du trottoir les pattes vers le ciel
que les gens contournent sans ralentir le pas.
Dans un taxi arrêté au feu,
le chauffeur a une large tâche de sauce blanche près de la bouche,
du sandwich qu’il tend à son voisin avant de redémarrer
pour tourner sur Ben Gurion.
Chacun poursuit son chemin, je ne suis plus très loin de la mer ;
aux fenêtres, aux antennes, de plus en plus de drapeaux à l’étoile
nous rapprochent du jour de l’indépendance.
Cette semaine, en supplément du journal,
une guirlande offerte de drapeaux bleu et blanc
que j’ai refusé d’accrocher au balcon.

14/04/2010

aleph, beth...

“Je trouve que le rapport que peut avoir un homme avec une langue étrangère, tandis qu’il garde au fond de lui une langue maternelle - que personne ne comprend- est un des plus beaux rapports qu’on puisse établir avec le langage, et c’est peut être aussi celui qui ressemble le plus au rapport de l’écrivain avec les mots."

" Quand on ne peut pas parler son propre langage, la pensée elle-même change, de petits incidents qui se déroulent sans langage prennent une importance nouvelle. "

Koltès " Une part de ma vie"

02/04/2010

Vases - Sarah Cillaire


En attendant, je n’écris plus. Ce que je vois, je l’inscris dans ma tête, des images mentales dont je sais par expérience qu’elles se seront évaporées lorsque, à nouveau, je les convoquerai.
Cette évanescence qui, chaque fois, attise mon sentiment d’impuissance me fait rêver à des carnet, dictaphone, ordinateur ultra-léger qui en seraient l’antidote. Je n’ai jamais d’outils sous la main, comment d’autres parviennent à donner du temps à l’écriture, cela continue de me fasciner. Mes archives sont déposées au dos des chéquiers, sur des feuilles volantes qui prennent la poussière, oubliées entre factures et doubles d’ordonnance, sur des tickets de caisse, des pages d’agenda vides, celles du mois d’août. Je ne rassemblerai pas ces fragments. Je reste, comme l’écrit Fernando Pessoa le 8 janvier 1931, dans une intime stagnation des pensées et des sensations.





Ma mère, à qui ma sœur et moi conseillons d’écrire — quatre jours d’écriture renforcent le système immunitaire —, nous dit qu’elle n’était peut-être pas faite pour avoir des enfants.

Tout à l’heure, j’avais un entretien avec le professeur principal de ma fille et la conseillère d’éducation du collège, elle était là, elle aussi, nous lui enjoignions de regarder la vie de façon positive. Si tu as une image dévalorisée de toi-même, que crois-tu que les autres perçoivent ? Dans le cheminement d’Anna s’inscrit le mien, en creux. Lui incombera-t-elle un jour de m’aider à mourir ?

Je suis très inquiète. Ma mère aime les euphémismes. Son amour nous a encombrées. Les amarres de chair ont été des serpents qui étranglent ; en les coupant, je me cisaille le ventre. Le cours normal des choses : cette expression a une vertu immédiate, elle me lave.





On s’oublie soi-même en décrivant
, dit encore Pessoa.
Le square, traversé les matins, extension de l’appartement, malgré le tarif exhaustif des balançoires, malgré les vautours.

Sarah Cillaire


Pour cette deuxième participation aux Vases communicants, je suis heureuse d'accueillir le texte de Sarah Cilliaire qui m'héberge pour l'occasion sur son blog
http://sarah-cillaire.blogspot.com/.
A lire également son texte 10 fois en moyenne sur Publie.net
http://www.publie.net/tnc/spip.php?article42


« Tiers Livre et Scriptopolis sont à l'initiative d'un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. »

Voir ici le répertoire des vases communicants de ce premier vendredi d’avril 2010.

10/03/2010

Dizingoff Square

Les distances relatives


Pour chaque ville j’ai une carte. Un morceau de papier qui fini usé jusqu’à la fibre et dont les pliages répétés ont progressivement effacés le dessin des rues qui à mesure des semaines et de leur disparition me devenaient familières. C’est un petit rectangle de la taille d’un livre de poche ouvert. Ce n’est jamais une de ces carte immense qui, dépliée, vous isole et vous signale à la ville qui continue d’avancer.

- Ces cartes là, les cartes accordéons, appartiennent aux trajets longs, aux espaces ouverts sur l’horizon, aux routes poursuivies des heures en voiture, passant villages et champs, vérifiant le numéro de la départementale d’un regard rapide sur la carte posée sur le siège passager. Ces cartes paysages appartiennent aux marches longues, exploratrices, où importe le moindre nivellement, la courbure des chemins et les points d’eaux ; là, on peut les étaler au sol, s’y pencher à plusieurs, de ses genoux en tenir les bords et chercher les sentiers. -

Pour les villes, j’aime ce petit format qui condense les rues dans une gamme de couleurs évidentes, sans demi-ton, sans détail, et qui peut se consulter en marchant dans la foule qui progresse sans ralentir. Ce sont des plans pratiques que l’on trouve dans les accueils pour touristes ou dans les pages détachables d’un guide.
J’aime les cartes parce que j’aime autant me perdre, déambuler sans but et sans direction que soudain me localiser, comprendre le trajet parcouru.

Je me souviens que la carte de San Francisco s’arrêtait en tranchant net le cœur vert uni du Golden Gate Park, tandis qu’à l’opposé le bleu de la baie ourlait le bord. Et c’est de l’autre côté, là où la carte interrompait les rues et la représentation, c’est vers ce vide, où les noms seraient à écrire soi-même et les lignes des rues à prolonger, que je me suis le plus souvent dirigée. Je prenais le bus qui filait droit pendant une demi-heure, ne changeant de rue qu’une seule fois pour suivre une parallèle jusqu’à Ocean Beach ; me déposant à l’angle du parking de Safeway, rectangle gris sur-dimensionné face à la plage immense et déserte de l’Océan Pacifique.


À chaque nouvelle ville, je me procure cette carte, toujours de la même taille. Ville encore in-vue, contenue sur un rectangle que je tiens devant moi, les bras allongés dans l’alignement des épaules. De ce que je découvre en marchant, seuls le nom des rues et l’indication de leur croisement établit une correspondance avec la carte simplifiée enfouie dans ma poche. La marche transforme ces lignes jaunes étrangères en paysage quotidien, en suite d’images et de repères intimes.
Quelques jours après mon arrivée à San Francisco, j’ai choisi une rue, il fallait bien commencer quelque part, de cette rue d’autres se révèleraient. Une ligne droite, comme elles le sont toutes, qui allait jusqu’à la baie, quelques centimètres sur la carte mais presque deux heures à longer les 2000 numéros de cette rue sans fin, qui ne semblait ni s’approcher de la baie, ni de l’horizon qui disparaissait à mesure des vallonnements successifs.

Malgré le rectangle identique, chaque carte à sa propre échelle, non indiquée, qu’il faut, de sa marche, soi-même découvrir.
Ces cartes ne sont pas un guide, elles sont une représentation où j’aime me projeter jusqu’à ce que le réel traversé, révélé, m’en éloigne définitivement. Je m’approprie la ville, la carte devient abstraite, je la perds, je la regarde sans plus rien n’y voir, elle devient floue, fausse, elle disparait sous ses couleurs criardes maintenant passées, elle n’est plus rien qu’un bout de papier chiffonné me rappelant qu’un jour cette ville me fut étrangère.

08/03/2010

Cages d'escaliers, les espaces épargnés.


































Depuis ce matin la ville transpire sous 30 degrés qui déboussolent début mars, et la sensation inattendue sur la peau du contraste entre la rue et la fraicheur de la cage d’escalier me ramène soudainement cinq ans en arrière, début septembre, Passage Brady.

À la hâte au-dessus de l’évier, manger une des dernières pêche encore juteuse dans la chaleur accablante de la fin de l'été qui paraît recommencer. Les cages d’escalier sont les seuls endroits frais de Paris et je me donne le prétexte d’une course en bas de l’immeuble rien que pour y passer puis j'erre quelques minutes dans une foule revenue, à la peau moins claire.

Et de là, quelques autres courtes notes de carnet liées à la rue du Faubourg Saint Denis.

Un cageot de menthe devant la porte. Le lieu de la parole sur les visages.
Tout le jour, des hommes habitent la rue, debout. A force d'être toujours là, leurs traces seront bientôt visibles dans le sol, créant les stries de leur statique.

Les hommes en vert de la mairie de Paris sont venus installer deux grands sapins sous la Porte Saint Denis, puis il les ont décorés avec des boules et des guirlandes rouges et jaunes. Sous l'arche, immobiles sur les échelles, têtes dans entre les branches, on aurait dit une photo de Jeff Wall.

Sous l'encadrement de la Porte, les pigeons sont les proies faciles des enfants et des hommes soûls utilisant des cannettes de bière pour projectile. Parfois se réunissent là des minorités : quarante personnes en colère, manifestants immobiles. Et pendant quelques heures ils occupent la place, ils crient dans le mégaphone et tiennent des banderoles aux messages dissimulés dans une langue inconnue.



13/02/2010

dans la mémoire de Word

01/12/06

vu la Porte Saint Denis s’éteindre, l’appartement se vider, la nuit se pendre

Carmen et Andréa tatoués sur un cou passant sous la lumière d'un réverbère

les gens de l’autre côté de l’avenue accomplir des gestes hebdomadaires

04/02/2010

La nécropole - Arnaud Maïsetti


D’avoir hier soir traversé ce quartier que je ne connais pas,
où je passe pour la première fois, dans cette ville que je sais par cœur,
marché plus d’une demi-heure sur des trottoirs qui prolongent sans doute
ailleurs les trottoirs sur lesquels cent et mille fois auparavant marcher
pour allonger sous le pas heurté le sol pendant des années lancé
en avant de moi,
mais passer ici comme on entre dans une pièce nouvelle
d’un château,
et d’en reconnaître bien sûr l’appartenance
au tout qui la contient,
savoir que c’est dans cette ville-là que je suis
parce les murs des façades sont ici
partout comme taillés
dans une même montagne,
reconnaître aussi
cette hauteur d’immeubles dressés sur des rues
en couloirs enfilés
sur des lignes si droites que la perspective annule
la possibilité de l’horizon,
mais de ne reconnaître rien vraiment,
comme une langue qu’on aurait appris de la bouche d’un seul
et qu’on entendrait pour la première fois dite par quelqu’un d’autre
de plus empesé,
de plus évident peut-être aussi,
et de passer par une rue au nom imprononçable, pour rejoindre la Place,
emprunter cette rue comme à un plus pauvre que moi,
cette longue rue tournante jusqu’au cimetière
qui apparaît à main droite avec ses corps si chers pour moi,
ces corps devant lesquels j’aimerais bien, un soir, oui, m'asseoir
pour simplement regarder la couleur de la terre tout autour d’eux,

mais pas ce soir, un autre soir, moins bleu que celui là,
soir qui rend le cimetière si froid au milieu de la ville
et dur comme une pierre,
je passe le pont, c’est un pont qui n’enjambe rien,
en dessous, aucune route ne passe, je vais, continue, et à gauche,
par dessus la route, je vois des stèles, quelques mausolées qui ont traversé
de l’autre côté de la route
pour se retrouver là, détaché du cimetière principal,
peuplement absurde, débordement étrange des tombes en dehors des murs
où les allées distribuent la géométrie des souvenirs et de l’oubli,
là en plein cœur de la ville, et je me dis, malgré moi,
que je suis en plein cœur de la ville, que si la ville a un centre,
ce serait là où je me tiens, ce pont qui déchire le cimetière en deux,
large fosse peuplée où on s’efforce de noter sur des longs morceaux de pierre,
des suites de dates qui forment comme le décompte infatigable,
épuisé, inutile du temps,
et pour la première fois ici,
pour la première fois, ce pont qui m’emmène ;

d’avoir été ici a justifié ce temps la position de la ville autour de moi,

et quand je me détourne, je regarde devant, je reconnais — Place Clichy,
plus claire que le noir autour de moi, toute allumée de voitures,
la place où je me retrouve en terrain conquis,
et combien je sais les mouvements de foule et chaque seconde qui passe,
et la suivante ; d’avoir dû pour arriver ici apprendre une autre ville
ne me rend pas coupable de celle que je vois de nouveau sous les yeux,
mais j’en porterai le deuil jusqu’à oublier la route qui m’y a conduit,
et que le lendemain je ne trouverai pas.

Arnaud Maïsetti


Le premier vendredi du mois, depuis juillet 2008, est l’occasion de Vases communicants : idée d’écrire chez un blog ami, non pas pour lui, mais dans l’espace qui lui est propre. Autre manière d’établir un peu partout des liens qui ne soient pas seulement des directions pointant vers, mais de véritables textes émergeant depuis.

Ce premier vendredi de février, je suis heureuse de prend part à ce projet, via l'invitation d'Arnaud Maïsetti dont j'accueille le texte et qui héberge le mien sur son blog - Contretemps - au cœur de son site où vous pourrez découvrir ses carnets d’écriture et de lecture, critiques, photographies, textes & hypertextes.

D’autres vases communicants ce mois

- Jean Prod’hom (les marges) et Brigitte Célérier (paumée)
- Anthony Poiraudeau (futiles et graves) et Juliette Mezenc (je plie et déplie)
- Michel Brosseau (à chat perché) et Hervé Jeaney (chaos illustré)
- Martine Sonnet (l’employée aux écritures) et Philippe Annocque (les hublots)
- Luc Lamy (le blog à Luc) et enfantissages
- Christine Jeaney (tentatives) et aedificavit
- Anna Desandre (biffures chroniques) et Kouki
- Olivier Guéry (soubresauts) et Phil Rahmy (kafka transports)
- Pierre Cohen-Hadria (pendant le week-end) et Michel Brosseau (kill that marquise)
- François Bon (tiers livre) et Joachim Séné (fragments, chutes et conséquences)
- Jérôme Denis (scriptopolis) et Emma Reel (CultEnews)
- Pierre Ménard (liminaire) et litote en tête
- Gilles Bertin (Lignes de vie) et Epamin’
- Loran Bart (les lignes du monde) et Michèle Dujardin (abadôn)
- Florence Noël (Pantareï) et Eric Dubois (tribulations)

22/01/2010

Tel Aviv 3

Pour la deuxième fois, je réussis à indiquer ( en hébreu ) la direction d'une rue à des passants perdus et cela me confirme bien que je ne suis désormais plus une touriste ici.

11/01/2010

Tel Aviv 2

Je suis partie quinze jours. Ce qui a disparu des rues : un cinéma, une boutique de fleurs, une librairie, un comptoir photo, trois magasins de vêtements, un café. Ceux là sont encore vides, vitrines face à l'espace blanc, débarrassé, et l'on s'attèle déjà à remodeler l'espace pour le prochain commerce qui sera là demain. Il y a aussi, au cours des deux semaines de mon absence, tout ce qui a été remplacé si vite et si bien que ça ne me semble ni nouveau, ni étrange : mobilier pas neuf, enseigne bien en place et vendeuses formées, comme si rien ne s'était passé.