17/04/2010

en avançant.


Boulevard Ben Tsiyon,
je croise une femme qui tient dans sa main gauche
un bouquet de tulipes rouges et blanches qui pointent vers le sol.
Sur Dizingoff, un gros chien noir allongé sur le dos
dort en travers du trottoir les pattes vers le ciel
que les gens contournent sans ralentir le pas.
Dans un taxi arrêté au feu,
le chauffeur a une large tâche de sauce blanche près de la bouche,
du sandwich qu’il tend à son voisin avant de redémarrer
pour tourner sur Ben Gurion.
Chacun poursuit son chemin, je ne suis plus très loin de la mer ;
aux fenêtres, aux antennes, de plus en plus de drapeaux à l’étoile
nous rapprochent du jour de l’indépendance.
Cette semaine, en supplément du journal,
une guirlande offerte de drapeaux bleu et blanc
que j’ai refusé d’accrocher au balcon.

14/04/2010

aleph, beth...

“Je trouve que le rapport que peut avoir un homme avec une langue étrangère, tandis qu’il garde au fond de lui une langue maternelle - que personne ne comprend- est un des plus beaux rapports qu’on puisse établir avec le langage, et c’est peut être aussi celui qui ressemble le plus au rapport de l’écrivain avec les mots."

" Quand on ne peut pas parler son propre langage, la pensée elle-même change, de petits incidents qui se déroulent sans langage prennent une importance nouvelle. "

Koltès " Une part de ma vie"

02/04/2010

Vases - Sarah Cillaire


En attendant, je n’écris plus. Ce que je vois, je l’inscris dans ma tête, des images mentales dont je sais par expérience qu’elles se seront évaporées lorsque, à nouveau, je les convoquerai.
Cette évanescence qui, chaque fois, attise mon sentiment d’impuissance me fait rêver à des carnet, dictaphone, ordinateur ultra-léger qui en seraient l’antidote. Je n’ai jamais d’outils sous la main, comment d’autres parviennent à donner du temps à l’écriture, cela continue de me fasciner. Mes archives sont déposées au dos des chéquiers, sur des feuilles volantes qui prennent la poussière, oubliées entre factures et doubles d’ordonnance, sur des tickets de caisse, des pages d’agenda vides, celles du mois d’août. Je ne rassemblerai pas ces fragments. Je reste, comme l’écrit Fernando Pessoa le 8 janvier 1931, dans une intime stagnation des pensées et des sensations.





Ma mère, à qui ma sœur et moi conseillons d’écrire — quatre jours d’écriture renforcent le système immunitaire —, nous dit qu’elle n’était peut-être pas faite pour avoir des enfants.

Tout à l’heure, j’avais un entretien avec le professeur principal de ma fille et la conseillère d’éducation du collège, elle était là, elle aussi, nous lui enjoignions de regarder la vie de façon positive. Si tu as une image dévalorisée de toi-même, que crois-tu que les autres perçoivent ? Dans le cheminement d’Anna s’inscrit le mien, en creux. Lui incombera-t-elle un jour de m’aider à mourir ?

Je suis très inquiète. Ma mère aime les euphémismes. Son amour nous a encombrées. Les amarres de chair ont été des serpents qui étranglent ; en les coupant, je me cisaille le ventre. Le cours normal des choses : cette expression a une vertu immédiate, elle me lave.





On s’oublie soi-même en décrivant
, dit encore Pessoa.
Le square, traversé les matins, extension de l’appartement, malgré le tarif exhaustif des balançoires, malgré les vautours.

Sarah Cillaire


Pour cette deuxième participation aux Vases communicants, je suis heureuse d'accueillir le texte de Sarah Cilliaire qui m'héberge pour l'occasion sur son blog
http://sarah-cillaire.blogspot.com/.
A lire également son texte 10 fois en moyenne sur Publie.net
http://www.publie.net/tnc/spip.php?article42


« Tiers Livre et Scriptopolis sont à l'initiative d'un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d'un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. »

Voir ici le répertoire des vases communicants de ce premier vendredi d’avril 2010.