02/05/2011

After-hours
























Je me plie, m'étire, vertèbres qui craquent presque, je tente de grandes respirations qui sont bloquées par je ne sais quoi au sommet de l'inspiration, manque d'air, oxygène raréfié je n'arrive pas à aller au bout du souffle, souffle coupé et pourtant je n'ai pas couru, au contraire je n'ai pas bougé. Je me secoue le corps entier, les bras jusqu'aux mains, jusqu'aux phalanges, agite tout les membres comme un sportif s'ébroue un peu, sautille, met tout le corps en branle, je tente de vider mon corps, le vider du vide que les neuf heures d'immobilité vissées à la chaise dans un bureau sans fenêtre ont empli mon corps, ma tête qui bourdonne de cases excel.
Lever les épaules, faire quelques pas, tourner son torse suffit à peine à ne pas que les os rouillent, que le corps se tasse, que le dos morfle mais quand il s'agit de tenter de ressusciter entièrement de la journée, ça ne vaut rien.

Je suis vide et j'essaye de me vider de ce vide, de me remplir. Aller faire le tour de la ville en vélo, à toute allure, méditerranée à la droite qui défile, l'air dans les oreilles, aspirer du vent, peut-être que ça, ça marchera.

29/04/2011

En français dans le texte ( reprise )

De mon salon je regarde le ciel de Tel Aviv habituellement homogène où quelques nuages sales se sont incrustés. À l’intérieur, dans ma tête quelque part entre les oreilles et la bouche, j'entends the clouds look dirty. Par la fenêtre je vois les nuages, they look dirty. Dirty est une saleté plus sale que le mot sale, plus vulgaire et plus tenace : taches sêchées qui maculent un drap, aplat souillé, le bleu lisse du ciel fichu pour la journée.

Des nuages crasseux font tache sur le ciel uni. Je traduis sans être satisfaite.

Quand je parle quand j’écris quand je pense, j’entends parfois de l'anglais, parfois du français, cela dépend. De quoi je ne sais pas. Avec le temps, les deux langues ont appris à cohabiter. Elles s’influencent et se comparent, se disputent et se consolent, jalouses et complices comme deux soeurs aux caractères opposés, partageant la même chambre et une poignée de secrets.

Et il y a maintenant cette troisième langue autour de moi, l’hébreu qui tranquillement se faufile. C’est encore une langue du dehors, du marché, de la rue, du bus, du café, qui s’interrompt quand je referme la porte de mon appartement, comme on coupe le son. Mais bientôt elle ne sera plus consignée à l’extérieur, lentement je l’apprivoise, aleph, bet, répète les mots, les mémorise, les mâche comme un nouveau fruit, peau ferme et tendue, intérieur tiède qui font dans la bouche. Les deux soeurs lui font une place comme une nouvelle amie qui entre dans le cercle, qu’on accueille avec curiosité et méfiance. L’hébreu s’installe, mot après mot, se confie. Avec lui, je suis moins isolée, je marche dans les rues et ses échos retiennent mon attention, je me sens comme tirée par la manche, les voix m’interpellent, les mots m’apostrophent, soudain me concernent, me font ralentir le pas, tourner la tête, tendre l’oreille ; je les reconnais comme des visages déjà croisés.

Avant je pouvais tout imaginer, regarder bouger les lèvres : spectacle muet tout en nuances animées par les muscles du visage sous la peau, les joues, les yeux. C’était comme regarder un film étranger sans les sous-titres et placer dans les bouches des paroles supposées, inventer les dialogues. Maintenant, je comprends ce qui se dit, la conversation à la table d’à-côté, la question du chauffeur de taxi, les remarques d’enfants qui passent.

Parfois, j’aimerais encore être dans l’ignorance, mais il est impossible de retourner en arrière, d’oublier volontairement ce qui a pris sens, ce qui s’est inscrit. Autant les mots que les rues de cette ville que je découvre, dont le plan se forme progressivement, où bientôt je ne me perdrais plus. Je relie entre eux les grands axes, les ruelles se recoupent, les itinéraires se multiplient. Je marche lentement, transpire dans ce nouveau climat, bute sur un mot, cherche mon chemin. Il faut ouvrir la bouche, sortir le r du fond de la gorge, slalomer entre les chats errants, tutoyer tout le monde. Chaque jour qui passe c’est un peu moins d’inconnu et un peu plus de liberté. Je me fonds dans la masse, prends mes répères, me sens moins étrangère. Sentiment paradoxal à la fois triste et heureux, où chaque pas moins hésitant, chaque mot mieux articulé, repousse les limites d’un périmètre où chaque millimètre peut être exploré comme un vaste monde.

21/03/2011

lectures

Cela fait bien longtemps que je n’ai rien écrit ici. Il va falloir que ça change.

En attendant, j’ai beaucoup lu.

Découverte récente de Guillaume Vissac dont je suis tout particulièrement la chronique Des cravates en parallèle de ma propre recherche de travail qui pour moi se passe plutôt du côté de l'épluchage quotidien des offres en ligne. Encore quelques mois de chômage et je pourrais dresser une longue liste des propositions étranges que je vois défiler :

Travailleur dans un cimetière de chats et chiens

Professeur de yoga pour bébé

Spécialiste du brushing

Traducteurs de témoignages d'anciens déportés

animatrice de tchat pornographique

En attendant, je ne suis toujours pas l'avocate que j'avais prédit que je serais à 8 ans, déclaration mythique, inscrite au fer rouge dans les annales, qu'on me ressort encore et encore comme l'assiette de poisson pas avalée qu'on ressert au diner. Je continue donc de ne pas être avocate, ni professeur. De toute façon, j'ai achevé de piétiner les espoirs en changeant de continent. Ils continuent de penser avec malheur qu'en fermant mes valises j'ai claqué la porte au nez d'un avenir prometteur et comme c'était, de surcroit, pour m'installer sous des latitudes ensoleillées, je dois forcément passer mes journées affalée sur le sable chaud, à ne rien faire, m'enroulant dans la fainéantise qui va avec le paysage carte postale. C'est bien connu qu'on ne travaille que par temps gris.

Je ne démens plus, ne justifie plus, ça m'évite des migraines et le temps gagné, je le passe à lire, par exemple, Accident de Personne sur Publie.net du même auteur, que je vous conseille !

Voilà c'était le coup de coeur du jour. (associé malencontreusement à un coup de gueule il semblerait...)
Je vous laisse, la plage m'attend !

20/11/2010

Paris, ville de lumière.

















La municipalité aura décidé de consacrer le budget d’une année entière à l’installation du double de lampadaires dans les rues pour lutter contre l’obscurité de la nuit où chacun peut se fondre.
Il n’y aura plus de nuit, on y verra comme en plein jour et le ciel disparaîtra derrière les éclairages trop nombreux. La mairie, sans le sou, laissera à l’abandon les petits parcs. Envahis par la végétation, ils deviendront des petits îlots de brousse, verts et touffus, dispersés dans la ville. On pourra s’y cacher la nuit quand il n’y aura plus nul part où disparaitre et les toboggans serviront de structures à des cabanes souterraines.